Lise, car, depuis son mariage, elle avait beaucoup souffert de l’éloignement de Frantz et de sa felle, un peu par amour-propre, mais surtout par affection pour son mari.
Ne pouvant interpréter cette attitude de la rue de Douai que comme un blâme persistant à son union, elle avait craint que Paul, dont elle connaissait la faiblesse de caractère, ne finît par s’en affecter, et elle s’applaudissait par conséquent d’avoir dissipé ce nuage. Aussi fut-elle véritablement heureuse lorsqu’elle vit toute cette famille revenir à elle, et les réflexions souvent ironiques de Mme Frantz ne troublèrent pas un instant sa joie.
Elle était la première à en rire avec Mme Daubrel et Dumesnil. Celui-ci passait rarement un jour sans venir prendre de ses nouvelles. Elle le recevait toujours d’une façon amicale et ne laissait échapper aucune occasion de lui exprimer sa reconnaissance pour la chaleur avec laquelle il l’avait défendue. Malgré ses ridicules, se sentant une grande amitié pour lui, elle ne s’en cachait pas, et un jour qu’elle l’en assurait de nouveau, en lui tendant la main, Dumesnil en fut si touché qu’il ne trouva pour la remercier aucun de ces alexandrins dont sa mémoire était si richement meublée.
Après avoir répondu respectueusement à l’étreinte de la jeune femme et balbutié quelques mots, il n’eut que le temps de détourner la tête, sous le prétexte d’examiner une nouvelle toile de Paul. Il avait tout simplement à essuyer ses yeux, qui s’étaient remplis de larmes à l’accueil affectueux de sa fille, qu’il avait si complètement reconquise.
On ne saurait dire quel orgueil ressentait le vieil acteur en voyant Lise régner dans ce milieu d’artistes, de littérateurs, d’hommes célèbres pour la plupart, dont son salon, ou mieux l’atelier de Paul était le lieu de réunion. Il l’écoutait avec admiration donner son avis sur le livre nouveau, la pièce représentée la veille, le tableau exposé depuis peu. Et lorsqu’elle se mettait au piano pour interpréter les passages les plus saillants de l’opéra récemment édité, dans quel ravissement le plongeait son exécution magistrale !