Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droite de la Windau, le château de Pampeln, qui passait pour une des plus belles habitations seigneuriales de la contrée. De plus, le prince était orphelin, ce qui permettait à la comtesse Barineff d’espérer gouverner un peu le ménage de sa fille.

Pierre Olsdorf fut donc autorisé à faire sa cour, et Lise, bien que son cœur restât absolument calme, fut touchée de la discrétion ainsi que de la douceur de celui qui devait être son mari.

Le prince était d’ailleurs un timide, du moins auprès des femmes. À l’opposé des jeunes nobles de Saint-Pétersbourg, il avait peu vécu. Il n’était pas un assidu au théâtre Michel ni l’un des habitués du ballet. En sortant de l’Institut des nobles, où il avait été élevé, au lieu d’entrer dans les pages, comme la plupart des fils de famille, il était allé s’installer à Pampeln avec son oncle et tuteur le prince Alexis Olsdorf, vieux garçon qui boudait un peu la Cour. Là, il s’était abandonné à son goût inné pour les chevaux et la chasse, et, seulement après la mort de son parent, il était venu de temps en temps à Saint-Pétersbourg, mais pour n’y jamais faire que des stations de courte durée. La vie libre, au grand air, lui semblait préférable à toutes les autres.

C’était à cette existence saine, hygiénique, qu’il devait son excellente santé, car né chétif, maladif, il n’aurait peut-être pu résister aux plaisirs dont il aurait été forcé de prendre sa part, s’il avait vécu au milieu des jeunes gens de son monde. Pampeln l’avait au contraire sauvé de tous les excès.

Bien que d’une taille moyenne et d’une apparence délicate, il était cependant robuste. Les exercices du corps l’avaient rendu infatigable et d’une bravoure calme, pleine tout à la fois d’audace et de sang-froid. Il avait également gagné à vivre ainsi une gravité prématurée, une fermeté d’homme mûr. Excellent pour ses gens, il en était adoré, et ses fermiers émancipés avaient toujours pour lui le respect et l’obéissance des serfs pour le seigneur. Il ne négligeait du reste rien de ce qui pouvait être utile à leur bien-être et à leur élévation