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de temps resterai-je absent ? Dieu seul le sait. Peut-être n’aurai-je pas la force de prolonger notre séparation ; mais elle est indispensable, aussi bien pour vous que pour moi-même. Pendant que je serai loin et que je penserai à vous, vous servirez de mère à mon fils et à cette petite créature qui porte mon nom et que je ne puis abandonner alors même que je ne saurais l’aimer. Nous serez la maîtresse à Pampeln et plus tard, lorsque le temps aura sinon guéri, du moins cicatrisé l’horrible blessure que j’ai reçue, je reviendrai et n’aurai rien oublié de vous ! Adieu !

Et sans attendre que celle qui écoutait en pleurant, ne comprenant rien autre chose, c’est qu’il partait, lui eût répondu, Pierre la prit dans ses bras, imprima passionnément des lèvres sur les siennes que crispaient les sanglots, et s’arrachant à cette enivrante étreinte, il la laissa retomber, à demi morte, sur le divan.

Lorsque la fille de Soublaïeff rouvrit les yeux, elle était seule !

Le lendemain, au point du jour, après avoir embrassé son fils et s’être entretenu longuement avec son intendant Beschef et son fermier d’Elva ; à qui il confia une lettre pour sa fille, le prince quittait Pampeln pour se rendre à Saint-Pétersbourg, où il devait faire acte de soumission à l’arrêt du Saint-Synode.

Il n’avait pas eu le courage de revoir Véra et n’emmenait avec lui que son fidèle Yvan, afin d’avoir auprès de lui quelqu’un de sûr dans le cas où la mort le frapperait au loin.

Quinze jours plus tard, Pierre Olsdorf s’embarquait à Brindisi pour gagner l’Égypte et commencer l’exil auquel il s’était condamné.


II

L’ATELIER DE LA RUE D’ASSAS


Pendant que le prince Olsdorf disparaissait pour tous les siens et que Véra Soublaïeff, désespéré mais soumise,