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faudra donc qu’elle habite le château, où je laisserai des ordres pour qu’on lui obéisse comme à moi-même. Avant de partir, j’aurai tout réglé pour que le sort de chacun soit assuré, dans le cas où il m’arriverait malheur.

— Mon prince, balbutia Alexeï, pourquoi nous quitter, pourquoi vous éloigner ?

— Il le faut ! Le temps seul pourra fermer la blessure que j’ai reçue. Plus tard, qui sait ? peut-être aurai-je oublié. Puis-je compter sur toi ?

— Mon dévouement pour vous, Pierre Alexandrowitch, est aussi grand que celui de Véra, et vous savez jusqu’à quel point elle a poussé le sien. Quoi que vous ordonniez, ce sera fait !

— Alors tout est bien, reviens au château avec moi pour embrasser ta fille. Demain, je te donnerai mes instructions, car je veux partir le soir même. Ta main, et merci !

Le paysan saisit respectueusement, pour la porter à ses lèvres, la main que lui tendait Pierre Olsdorf et, cinq minutes après, ils remontaient tous deux dans la troïka pour gagner Pampeln.

Moins d’une demi-heure plus tard, ils étaient arrivés. Soublaïeff, qui avait suivi son maître dans la salle d’armes, aperçut Véra sortant de la chapelle.

En reconnaissant son père qu’elle n’attendait pas, la jeune fille s’arrêta interdite, en étouffant un cri de terreur, mais en le voyant s’avancer vers elle, le sourire sur ses lèvres, et les bras ouverts, elle s’élança sur son cœur, en s’écriant :

— Mon père, mon père bien-aimé !

— Véra, ma chère Véra, répétait Alexeï en couvrant son front de baisers ; notre seigneur m’a tout raconté ; je n’ai aucun reproche à t’adresser. Dieu te récompensera de ton dévouement. Nous ne nous quitterons plus ; tu seras heureuse comme tu es toujours digne de l’être.

À ces mots, la fille du fermier tourna ses regards vers le prince qui assistait à cette scène, et elle fut à ce point frappée du bouleversement de ses traits qu’elle courut à lui.