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sible, elle en arrivait à s’épouvanter de ce qu’il en adviendrait forcément si Pierre Olsdorf voulait, au contraire, la garder près de lui. Bien évidemment, son père, à elle, était au courant du changement qui s’était fait dans la situation de son maître ; il n’ignorait pas son divorce. C’était un événement dont la noblesse de Saint-Pétersbourg avait dû se préoccuper, en se livrant à tous les commentaires imaginables, pour s’expliquer comment le divorce avait été prononcé contre le mari et non contre la femme, dont tout le monde connaissait la faute. Alors pourquoi Pierre avait-il voulu paraître coupable, coupable pour elle et par elle, s’il ne l’aimait pas ? C’est ce que Véra ne pouvait saisir, dans son ignorance de la loi et des conséquences qu’avait eues la conduite de celui qui s’était si complètement emparé de son âme.

Toutes ces réflexions troublaient étrangement la pauvre enfant que l’attitude de son compagnon de voyage ne pouvait calmer, car au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de la Russie, le prince semblait devenir plus préoccupé, plus taciturne. À chaque station importante, il venait bien s’assurer affectueusement que son amie ne manquait de rien dans le compartiment réservé qu’elle occupait avec la nourrice et la petite Tekla, mais il paraissait craindre de rester seul avec elle, et la fille de Soublaïeff avait interrogé vainement ses regards. Évidemment il fuyait une explication. Qu’allait-elle donc devenir ? Comment oserait-elle se représenter devant son père qu’elle savait si jaloux de son honneur ? La mort n’était-elle pas préférable à ces angoisses et aux reproches dont elle était menacée ?

Aussi la malheureuse, pendant la dernière nuit de route, eut-elle à plusieurs reprises la pensée de se précipiter sur la voie. Mais mourir ! Et si elle était aimée ! Alors elle se mettait à fondre en larmes, en se recommandant à Dieu !

C’est dans cet état d’esprit qu’elle descendit de chemin de fer à Mittau, où les équipages, commandés par dépêche, attendaient les voyageurs pour les transporter à Pampeln.