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mense que faisait dans son cœur l’éloignement de ses deux enfants.

Afin que rien ne pût lui rappeler le passé et peut-être aussi parce que son orgueil craignait leurs regards ironiques, elle s’était séparée de tous ses domestiques, se contentant momentanément, jusqu’à ce qu’elle ait pu organiser elle-même sa maison, d’une cuisinière et d’une femme de chambre engagées à la hâte, un peu au hasard.

Le premier soir de cette vie nouvelle, fatiguée d’une journée d’installation et en attendant Paul, qui rangeait lui-même dans son atelier, Lise était assoupie dans un fauteuil, et là, malgré elle, son esprit avait fait un retour vers ce qui était maintenant si loin.

Dans son demi-sommeil, elle souriait tristement à Alexandre et à Tekla ; elle revoyait le château de Pampeln et son parc ombreux, ses compagnons de chasse entraînés par les cors des piqueurs, sa troïka follement enlevée par ses trois chevaux écumants, et, sur le seuil de la grande salle à manger aux boiseries sculptées, le maître d’hôtel rigoureusement vêtu de noir lui apparaissait, pour lancer d’une voix sonore : Madame la princesse est servie ! lorsque, brusquement arrachée à ses souvenirs par l’entrée de sa femme de chambre, elle revint tout à fait à la réalité en entendant cette domestique annoncer :

— Madame, la soupe est sur la table.

Après un involontaire et léger frisson, l’ex-princesse Olsdorf ne put s’empêcher de sourire, et comme son mari arrivait au même instant, elle se leva vivement pour s’élancer à sa rencontre, en lui disant d’une voix chaude, sorte d’écho de ses sens appelés à son aide pour étouffer complètement ce qu’elle voulait repousser à jamais de son esprit :

— Allons, mon ami, votre bras à Mme Paul Meyrin !


fin de la première partie