— C’est de la folie ! Que tu aies trompé ton mari, cela te regarde seule peut-être, mais que tu deviennes Mme Paul Meyrin après avoir été princesse Olsdorf, voilà ce qui ne sera pas ! Comment, j’aurai vécu vingt ans avec cet objectif unique : faire de toi une grande dame, et je te verrai transformée en une bourgeoise ! Jamais ! M. Meyrin est un misérable qui, après t’avoir aimée par vanité, ne veut t’épouser que par spéculation. Tu peux compter sur moi pour le lui dire !
La princesse s’efforça vainement de calmer sa mère.
— Il te sait riche, poursuivit-elle, et n’ignore pas qu’après moi tu le seras encore davantage. Voilà son amour ! Tu serais pauvre qu’il ne songerait pas à faire de toi sa femme. Je te le jure bien, vous avez tort tous les deux de compter sur mon héritage. Comment est-il possible que, fine et distinguée comme je t’ai faite, tu te sois éprise de ce bellâtre, rapin sans nom et sans talent ? Ah ! tu es bien la fille de ton père !
— Que voulez-vous dire ? fit brusquement Lise, au comble de la stupéfaction.
— Rien, rien ! répondit Mme Podoï, en se mordant les lèvres.
Elle avait failli oublier dans sa colère que, pour tout le monde, pour sa fille surtout, celle-ci était la fille du comte Barineff.
Elle reprit aussitôt :
— Tu n’as pas pensé à tes enfants dont tu vas être séparée ?
— Le prince ne songe pas à m’enlever Tekla ; il sait qu’elle n’est pas de lui !
— Mais Alexandre, ton fils, que sera-t-il pour toi quand tu t’appelleras Mme Meyrin ? Tu ne supposes pas que Pierre te le laissera voir, ni embrasser jamais. Que lui répondra-t-on lorsqu’il demandera où est sa mère ? S’il tombe malade, qui le soignera ?
Lise Barineff était devenue fort pâle. Nous l’avons dit, elle avait toujours été excellente mère. La tête baissée, elle ne répondait pas. Visiblement, elle souffrait.
— Ton mariage est décidé ?