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qu’il s’était fait à lui-même, il n’avait pas voulu. Il s’était juré que Véra retournerait pure auprès de son père. Après avoir accepté, pour atteindre son but, d’être adultère aux yeux de la loi, il ne voulait pas l’être de fait, tout autant parce que son orgueil lui ordonnait de se sacrifier jusqu’au bout, sans récompense, sans compensation, que pour la satisfaction de sa propre conscience.

La lutte avait été pour lui douloureuse et terrible. Bien souvent, en traversant la chambre de Véra pour rentrer chez lui, il avait évité ses regards pour ne pas lui laisser lire dans ses yeux la fièvre qui brûlait ses sens, et il ne lui avait dit bonsoir que du geste, pour ne pas se trahir par le tremblement de sa voix.

Que de fois, au milieu de la nuit, il était venu se blottir contre la porte doucement entrouverte de la jeune fille, pour s’enivrer de son souffle, de ses soupirs, pour aspirer avec délices les tièdes effluves qui s’échappaient de la couche de l’adorée endormie !

Cependant il avait résisté, et il en éprouvait une juste fierté.

Pour Véra, le combat avait été moins pénible. Préservée, par son ignorance même et sa chasteté, de ces désirs de la chair qui brûlent comme des morsures, son amour pour Pierre, depuis qu’elle se croyait aimée, n’étai qu’un doux et long rêve rempli d’extases charmantes et de voluptueux frissons. Elle pressentait bien que de cette intimité, de cet échange de tendresses, résulterait, à une heure fatale, l’abandon de son être, mais elle ne rougissait pas même à cette pensée. Pleine de confiance en l’avenir, elle attendait ce grand inconnu, oubliant tout : son père, la Russie, le passé, pour vivre dans une sorte d’aspiration inconsciente qui l’envahissait de plus en plus.

Et c’était au moment où elle se trouvait dans cette disposition de l’âme que Pierre Olsdorf venait lui annoncer leur prochain départ pour Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire le retour forcé à la vie d’autrefois, sous les yeux de sa famille, peut-être loin de celui qu’elle ne verrait plus tous les jours, à chaque instant. À cette nouvelle, la malheu-