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invités ; plus rarement encore elle assistait aux réceptions de sa mère. Elle n’était que des soirées artistiques et accompagnait toujours la comtesse, lorsque celle-ci sortait en voiture pour aller jusqu’à la Pointe, ou faire un tour de promenade sur la perspective Nevski.

Dans le landau ou dans le traîneau qu’emportaient les beaux alezans choisis par Podoï, la mère et la fille avaient vraiment grand air. Il était évident pour tout le monde que la veuve du comte Barineff chercherait à caser au mieux son enfant, mais c’était là une ambition si naturelle, si respectable, que personne ne songeait à la critiquer, et que personne non plus, bien certainement n’avait la mauvaise pensée de rappeler son état civil quelque peu irrégulier.

Trois ans s’étaient ainsi écoulés, lorsque la jolie Lise fit un soir son entrée dans le monde, en assistant au bal donné par les officiers de la garde au grand-duc Constantin, pour fêter son retour du Caucase, et cette première sortie officielle fut un véritable triomphe pour sa mère et pour elle. Nous devrions ajouter : et aussi pour le général Podoï, qui avait offert son bras à celle qu’il regardait un peu comme sa fille.

Ce fut là d’ailleurs un succès mérité. Lise Barineff allait avoir dix-huit ans. Blonde, élancée, d’une incontestable distinction, elle était de plus remarquablement belle. L’élégance de sa taille, l’ovale irréprochable de son visage, la correction du dessin de ses lèvres, le modelé antique de son front, tout en elle était bien fait pour fixer les regards de ces soupirants que lui avait préparés son vieil ami.

Ce qui frappa particulièrement en cette jeune fille, dès ce jour-là, ce fut l’aisance avec laquelle elle reçut les hommages de tous. Il était évident que sa mère l’avait élevée pour cette admiration dont elle était l’objet, et que, par avance, elle était cuirassée contre toutes les surprises.

Cela se devinait aisément au calme qu’elle conservait devant les murmures flatteurs qui se faisaient entendre sur son passage. Elle traversa, sans se troubler un ins-