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mais ; j’en doute, mais, en tout cas, je ne songerai à faire cette folie que lorsque Lise sera mariée elle-même. Donc, avant tout, il vous faudra trouver pour ma fille un époux digne d’elle. Vous le voyez, nous avons encore quelques années devant nous, et quand je serai sur le point d’être grand-mère, je serai bien près d’être une vieille femme, dont personne ne voudra plus.

La comtesse aurait pu ajouter, mais elle s’en était gardée, par prudence autant que par galanterie :

— Et vous, mon brave Podoï, vous ne serez plus guère en état de faire un mari présentable.

Cette fin de non-recevoir n’avait pas désespéré le vieux soldat. L’ayant prise, au contraire, comme une sorte d’engagement pour plus tard, il s’en était autorisé pour se poser en prétendant et se faire, pour ainsi dire, le protecteur, le factotum, l’intendant de la maison Barineff, ce qui n’avait pas tout à fait éloigné les soupirants, mais les tenait du moins à distance suffisamment respectueuse.

Comme le général était un homme honorable, riche, dans une grande situation militaire, la mère de Lise avait tacitement accepté sa suzeraineté platonique, qui lui était utile, sans danger sérieux pour sa réputation, et l’excellent Podoï, momentanément, n’en avait pas demandé davantage.

Seulement, il s’était mis, dès le jour même, à passer en revue les jeunes nobles capables de faire de bons maris, pour l’époque fixée par son amie, et il en avait dressé une liste des plus curieuses, avec tous les renseignements nécessaires sur la fortune, le caractère, l’avenir de ses candidats ; liste de laquelle il éliminait, au fur et à mesure, ceux qui disparaissaient dans le tourbillon du monde, ou ceux qui, selon lui, se rendaient indignes par leur conduite d’être présentés à sa protégée au moment psychologique.

Pendant ce temps-là, Lise Barineff, que sa mère de prodiguait pas, recevait une excellente éducation et devenait une ravissante jeune fille. Très rarement elle prenait place à table, lorsqu’il y avait de trop nombreux