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princesse, dont la plainte a motivé l’ordonnance du juge.

Lise Barineff attendait dans la pièce voisine ; elle parut aussitôt, amenée par le secrétaire du commissaire de police.

L’épouse coupable était pâle et tremblante. On eût dit qu’elle allait se trouver mal.

— Madame, lui demanda l’envoyé du parquet, monsieur est-il votre mari ?

— Oui, balbutia-t-elle, en levant les yeux.

— C’est bien, madame ; vous pouvez vous retirer.

Il était temps : elle se soutenait à peine, bien qu’elle se fût appuyée contre le chambranle de la porte, et elle étouffa un cri de stupéfaction.

Elle venait de reconnaître Véra Soublaïeff dans la jeune femme étendue sur le lit de cette chambre, et il lui semblait que la jalousie la mordait au cœur, en même temps qu’elle se sentait cruellement humiliée dans son amour-propre.

Comment, c’était la fille de l’un de ses fermiers que Pierre Olsdorf avait choisie pour jouer le rôle de maîtresse dans ce drame conjugal ! C’était devant Véra, qui la connaissait et dont elle avait si souvent reçu les humbles hommages, qu’elle devait courber le front. Ah ! c’en était trop et elle avait été bien sottement naïve jusque-là, en traitant de chevaleresque la conduite de son mari. Ce n’était plus qu’un homme comme tant d’autres ; il avait saisi avec empressement l’occasion de satisfaire un caprice né sans doute depuis longtemps. Qui sait ! peut-être même avait-elle été trompée la première.

Elle avait bien entendu dire et avait lu dans les journaux que le prince Olsdorf promenait ouvertement dans Paris une des plus adorables créatures qu’on pût voir ; mais forcée de peu sortir en raison du bruit que faisait son divorce et du rôle de victime qu’elle était condamnée à jouer, elle n’avait pas rencontré le couple amoureux ; et quant à Paul Meyrin, il s’était toujours gardé, cela se comprend, de se rendre là où il aurait pu