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prince pouvait l’aimer et qu’un tel amour eût épouvantée, bien qu’elle se sentît pour Pierre remplie d’affection et prête à tous les dévouements, Véra ne comprenait rien à ces changements subits. C’était surtout le soir, lorsqu’ils rentraient, après avoir fait un tour de promenade sur les boulevards, que la conduite du châtelain de Pampeln était inexplicable.

Sa chambre à coucher n’était séparée de la sienne que par une salle de bains. De l’une de ces pièces on pouvait passer dans l’autre. Quand l’heure était venue, Julie déshabillait sa jeune maîtresse, la couchait, puis elle allait prévenir le prince, qui attendait dans un salon voisin que « Madame » était au lit.

Pierre Olsdorf arrivait presque aussitôt, fermait doucement la porte derrière lui et traversait la chambre, sans bruit, comme s’il avait peur de troubler le repos d’un enfant, souhaitant bonne nuit à la jeune fille d’une geste amical, jamais ne s’approchant d’elle et disparaissant dans son appartement.

Véra, dont le cœur battait bien un peu au passage de son maître, s’endormait rapidement, mais d’un sommeil parfois troublé par d’étranges frissons, d’inconscientes ivresses, de pudiques terreurs.

Les choses se passaient ainsi depuis près d’un mois, et le gentilhomme avait eu avec l’avoué de sa femme une entrevue définitive pour tout régler de façon à atteindre son but, lorsqu’un soir qu’il avait conduit au Vaudeville sa charmante compagne de voyage, il ne rentra avec elle qu’après minuit.

Jamais Pierre Olsdorf ne s’était montré plus affectueux, plus empressé. Ils étaient revenus à pied, et quand il avait offert son bras à sa jeune amie pour regagner la rue Auber par le boulevard et la place de l’Opéra, celle-ci avait dû faire appel à toute son énergie pour commander à son cœur de se taire, de ne pas la trahir par des battements trop violents.

Elle ne pouvait plus se le dissimuler : elle aimait d’un amour timide et chaste, mais sincère, profond, celui qui depuis plusieurs semaines, partageait sa vie. Elle ne