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RENÉ LE CŒUR.
LILI.
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dité et ces corneilles avaient attristé l’enfance de M. de Clères.

Jusqu’à l’âge de treize ans, il s’était ennuyé là, entre une tante laide et un père noceur. Toute jeune, elle ressemblait déjà à un vieux sacristain. Elle avait un long nez, un long menton, un teint étrange, d’un gris terreux ; et son profil mince paraissait

découpé dans une croûte de gruyère. Elle était chanoinesse. On l’appelait madame, à cause de ce titre. Les jours de grande fête, elle arborait le cordon de l’ordre. En temps ordinaire, elle accompagnait la cuisinière au marché et discutait le prix du beurre avec une âpreté de paysanne. Elle donnait aussi des conseils aux femmes en couches, soignait les panaris et indiquait des purges pour les vaches, par charité chrétienne et par devoir de châtelaine. Les fermiers, qui l’entendaient appeler « Madame », pensaient simplement, ne lui ayant jamais connu de mari, qu’elle avait « fauté ».

M. de Clères, le père, passait pour un effréné noceur. Il était veuf, se ruinait à Paris avec des filles. Il ne venait, de loin en loin, à Fleuries, que pour réquisitionner de l’argent chez son notaire, hypothéquer une métairie ou faire couper un bois-taillis.

Durant ces courts séjours, il allait, avec cérémonie, présenter ses devoirs aux châtelains voisins et les inviter chez lui. À table, ils parlaient, entre eux, de la no-