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RENÉ LE CŒUR

M. René le Cœur appartient à une famille originaire de l’Anjou. Ce n’est point ici le lieu de relever une généalogie sans intérêt pour le public. Il suffit de dire que l’un des membres de cette famille, François le Cœur, surintendant des bâtiments du duc de Penthièvre, receveur des droits féodaux, notaire terrier et ingénieur civil, eut de sa femme, Angélique-Catherine de Saint-André du Colombier, un fils, François Le Cœur, qui, après la mort de son père, en 1793, vint habiter la Normandie. Il fut le bisaïeul de M. René le Cœur.

Cette courte note était peut-être utile pour l’explication d’une œuvre littéraire. Né sur les côtes de la Seine-Inférieure, à Yport, auprès de Fécamp, M. René le Cœur reçut de lointains ancêtres angevins le don d’heureuse humeur qui fleurit en cette province du vin mousseux, et, d’ascendants plus rapprochés, cette sorte de mélancolie amère et résignée des gens de la Normandie, pluvieuse et triste.

Il débuta, à 18 ans, par un volume de vers dont Jean Lorrain conseilla le titre : Lianeries et Trianeries à Lianon de Trianon, dédié à une célèbre dame de ce temps. Elle fut reine par la beauté. Elle est devenue princesse, depuis. À cette époque les jeunes gens n’étaient point pratiques : ils ne débutaient pas par le journalisme dans la noble carrière des lettres : ils y entraient par la porte d’or de la poésie. Ils faisaient des vers et tombaient amoureux des actrices.

Jean Lorrain remarqua les vers adressés à Mme Liane de Pougy dans le recueil de M. René le Cœur. Il fit entrer le jeune auteur au Journal, Et le poète, devenu conteur et romancier, n’a plus quitté la grande maison accueillante au talent de nos plus notoires écrivains.

M. René le Cœur publie depuis dix ans des nouvelles appréciées du public. Il a donné successivement en feuilleton : Plages vertueuses, amusante étude des villages balnéaires appelées les petits trous pas chers ; Danseuse, histoire d’un fils de famille qui épouse une ballerine, l’aime en dépit de ses infidélités et descend, par passion, jusqu’aux plus désolantes compromissions ; Lili enfin, que publie ici la Renaissance du Livre ; il travaille actuellement à un roman qui aura pour titre L’argent des autres. Des qualités de mordante observation ont valu à M. René le Cœur de nombreuses inimitiés. La caricature écrite aurait-elle en France moins de droits que la caricature dessinée ? Pourtant l’auteur se contente de prendre les ridicules de plusieurs personnes pour les rassembler en une seule. Mais chacun reconnaît les siens, semble-t-il, et les revendique. M. René le Cœur sourit avec indulgence, un peu surpris de voir poussé si loin l’instinct de la propriété. M. René le Cœur vit retiré, sur la rive gauche, au milieu des livres, devant un de ces vieux parcs, pleins de petits oiseaux qui subsistent encore çà et là, de l’autre côté de l’eau. Et il ne sort que pour regarder autour de soi avec une philosophie un peu mélancolique, un peu amusée en pensant aux vers de Henry Bataille.

 
Une histoire, une histoire, tout finit en histoire
On a beau crier, souffrir,
Et partir et s’en revenir :
Tout se calme par un beau soir.