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L’Argentin commença enfin à regarder Marie-Louise avec attention. Elle lui sourit timidement. Il n’eut pas l’air de remarquer ce sourire. La pauvre créature se demandait comme elle allait dîner le soir.

L’Argentin se leva et lui proposa de danser un tango. Il avait « l’assent », « l’assent » du Midi, l’Argentin. Il était d’Agen !

Mais les méridionaux sont souvent négociants en vins. Et Marie-Louise ne se découragea pas. Elle dansa le shimmy, elle dansa le fox-trot, elle dansa la valse hésitation.

Elle dansa tout ce que voulut danser l’Argentin, qui n’était plus Argentin mais qui était tout de même méridional.

Ils quittèrent tous deux la salle. Et l’homme offrit à Marie-Louise de dîner avec lui. Elle accepta sans façon. Elle demanda, pour se renseigner sur la situation de son nouveau compagnon :

— Où m’emmenez-vous ?

Il donna le nom d’un « bouillon » populaire. Elle protesta. Il ne connaissait donc pas Paris. Du coup, il passa, dans l’esprit de Marie-Louise, de la classe des Argentins dans la classe des Petzouilles.

— Vous, un homme riche ! Un négociant en vins ! Vous allez dîner là !

— Mais qu’est-ce qui vous fait croire que je suis négociant en vins ? Je suis coiffeur ! garçon coiffeur !

Marie-Louise pensa qu’elle dînerait tout de même ce soir-là, Et comme le coiffeur avait du bagout, il sut la retenir jusqu’au lendemain matin.

— Tout cela pour un dîner au bouillon, ma petite ! conclut-elle en riant elle-même de sa mésaventure.


IV


Mes visites au petit bar ont d’abord intrigué beaucoup ces dames. Elles se demandaient probablement pour laquelle d’entre elles venait le monsieur, Comme il ne se