ce qui signifie à peu près cherchant fortune et désireuse de rencontrer un généreux ami de passage.
Et voilà qu’elle remarque devant elle un Argentin ! Comment pouvait-elle savoir que le monsieur était Argentin ? C’est très simple. Cela tient à la classification de la race blanche imaginée par Marie-Louise : il y a les Américains ; ils doivent être blonds de poil, rose de teint et habiter New-York ; les Anglais, plus commodément appelés Engliches ; les Argentins, dont l’espèce comprend tous les hommes bruns de peau et noirs de cheveux ; il y a aussi les Parigots ou jeunes Parisiens ; les Pétzouilles ou Provinciaux ; et enfin les « vieux crabes » dont font partie tous les vieux messieurs de tous les pays du monde.
C’est facile à apprendre. Et l’on s’y reconnaît très vite.
Donc l’Argentin précédait Marie-Louise. Quand il s’arrêtait pour regarder les étalages, elle apercevait son profil qui était celui d’un homme jeune. Il paraissait bien habillé. Il portait des souliers à empeigne d’étoffe claire, des gants gris et un complet à raies.
Marie-Louise pensa qu’il devait être riche. Elle a la tendance fâcheuse, fâcheuse pour elle, la pauvre fille, de croire que tous les « Argentins » et tous les « Américains » sont riches.
Il entra dans la salle de danse. Elle entra dans la salle de danse. Il s’assit devant une petite table. Elle s’assit devant la table voisine. Il commanda un café.
Elle demanda du Porto et des gâteaux à la crême.
Elle croisa les jambes pour montrer ses mollets. Elle laissa tomber son mouchoir pour se baisser et exhiber sa poitrine libre dans le corsage décolleté. L’Argentin ne broncha pas. Et pourtant Marie-Louise est belle fille. Fallait-il qu’il en eût vu, des belles filles, cet Argentin !
Elle finit même jusqu’à payer son vin et ses gâteaux. Maintenant, il lui restait 22 sous !
« Des fois » comme elle dit, les messieurs n’aiment pas ces façons de les attendre pour solder le montant d’une consommation.