Page:René Le Coeur Le bar aux femmes nues, 1925.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 4 —

— Tu comprends, dit Marie-Louise à Loulou, le petit Julien écrit à Odette Rénier. Elle ne répond pas. Elle en reçoit tous les jours des lettres d’amour.

— Moi aussi, dit Loulou. Les messieurs me donnent rendez-vous à la sortie.

— Seulement le petit clerc expliquait à Odette Rénier qu’il l’adorait, qu’il l’adorait pour toujours. Et il lui envoyait des fleurs.

— Moi, on ne m’envoie pas de fleurs et on me demande seulement à passer une heure à l’hôtel avec moi.

— Bref, il essaie de tous les moyens pour avoir Odette. À la fin, il lui propose cinq mille francs ! Cinq mille francs pour une nuit d’amour.

— Il était riche, ton clerc.

— Tu vas voir ! Attends !

Et Yvette déclara avec simplicité.

— C’est pas à moi qu’on offrirait cinq mille balles.

— T’es trop gourde !

Yvette réplique. Je suis obligé d’intervenir pour ramener la paix et connaître la fin de l’histoire. La voici, telle du moins que la raconte Marie-Louise. Peut-être est-ce une histoire apocryphe.

Odette Rénier accepta les cinq mille francs. Elle invita le jeune clerc chez elle. Il y dîna, il y coucha.

Il était très gentil, ce petit Julien, très tendre, très amoureux, avec un air un peu mélancolique. Sans doute parce que cette belle nuit devait demeurer unique pour lui.

Le lendemain matin, il voulut prendre un bain. Il alla dans la salle de bain. Ses vêtements étaient demeurés sur un fauteuil. Il les y avait lancés, pêle-même, la veille. Le portefeuille, dégonflé, gisait par terre. Les cinq billets se trouvaient sur la cheminée.

Odette Rénier ramassa le portefeuille d’où s’échappait une lettre avec l’adresse des parents du petit clerc et cette suscription : « À remettre après ma mort ».

Du coup, la belle Odette devina quelque drame et ouvrit l’enveloppe qui n’était point collée. Le petit clerc expliquait qu’il avait dérobé cinq mille francs à son patron