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— Mais oui. Et ce ne sera pas la première fois.

Pour la crânerie et l’aplomb, Malou n’avait pas sa pareille. Quand une femme s’est exhibée toute nue sur le plateau d’un théâtre, ça n’est généralement pas la timidité, comme on dit, qui l’étouffe.

Ces dames poussaient un : Ah ! de respect et d’admiration. Chacun se taisait, impressionné.

— Eh bien, faisait Malou, on ne dit plus rien ? Allons, encore du champagne ; et après, on jouera à quelque chose, ce que vous voudrez. Monsieur Xavier, allez à la ferme voir si on a bien soigné le petit cheval : moi, je reste pour ranger les assiettes avec votre maman.

— Oh ! Madame ! protesta, confuse, Mme Buquet.

— Mais si, mais si : ça m’amuse, d’abord.

Toutes deux, tandis que la bande se dispersait, demeuraient encore à causer. Et Mme Buquet suivant son habitude, parlait de ses filles qui avaient toutes les qualités et ne se mariaient point. À quoi pensaient donc les jeunes gens, au lieu de se précipiter pour demander la main des demoiselles Buquet ? La grosse dame s’en prenait à tous les hommes en général.

— Une dot ! Ils veulent une dot ! C’est du propre ! Avec ça qu’elles sont sérieuses, les jeunes filles dotées ! Ça apporte cent mille francs et ça exige des toilettes, le diable et son train ! C’est mal élevé, ça ne sait rien faire, que manger l’argent du mari. Oui, parlons-en, des jeunes filles dotées. Ah ! Madame, vous ne vous figurez pas le mal que les enfants nous donnent ; pour la satisfaction qu’on en retire… Tenez, il y a des jours où je regrette d’être une femme honnête… Les cocottes ne connaissent pas leur bonheur !

La grosse dame s’arrêtait net, craignant d’avoir blessé Mme Rosay. À quoi Marie-Louise :

— Allez, ne les enviez pas. Elles ont bien des ennuis aussi : pas de famille, pas d’amis, car les hommes ! ils vous aiment par plaisir et vous entretiennent par vanité. Mais demandez-leur un service, un vrai, désintéressé…