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— Je l’ai loué, hier à X… pour la saison, expliquait Malou. Nous allons, Mmes Buquet, Toumyre et moi emporter le déjeuner dans la voiture ; nous arriverons les premières et nous organiserons tout. Vous autres, les jeunes filles et les jeunes gens, vous irez à pied, en bande, à travers bois. Rendez-vous aux Ferrières.

Mimi et Xavier partaient en tête ; derrière, venaient Pépin Toumyre et Jacqueline ; puis Yvonne et M. Langelier. Ils défilaient comme une noce au village, et, tout à la joie de ce pique-nique, ils étaient gais et gentils, ne pensant plus à poser les uns pour les autres.

M. Langelier portait sur le bras le manteau que Mimi avait oublié de mettre dans la voiture, Il portait toujours quelque chose, M. Langelier.

C’était un professeur de lycée de province.

À trente ans, il était déjà chauve, avec une tête sympathique et une belle moustache, dont les pointes roulées et gommées semblaient deux queues de rat. Depuis l’âge de seize ans, il villégiaturait à Theuville où l’on connaissait sa famille. Il avait toujours fait la cour aux jeunes filles sans se décider jamais au mariage ; toujours guidé les baigneurs nouveaux à travers la forêt, toujours organisé les jeux innocents de pigeon-vole, du corbillon et de la main-chaude, les après-midi de pluie ; de cache-cache et de quatre coins les jours de beau temps et toujours porté les châles, les manteaux, les ombrelles pendant les excursions.

Des étrangers, qui le croisaient parfois avec sa bande de demoiselles, le prenaient pour un guide de l’Agence Cook.

Il était timoré, convenable, galant, d’une galanterie un peu provinciale : et comme on ne lui avait jamais connu de maîtresses, il possédait la confiance des mères.

Tout le monde se retrouvait aux Ferrières, anciennes carrières de fer gallo-romaines, envahies par la forêt. D’un sol houleux, tout en bosses, crevasses et sentiers de chèvres, échevelés de fougères, d’un éperon de verdures qui fendait la plaine, jaillissaient des pins et des sapins