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sions à bicyclette, en voiture, des promenades à pied, des parties de quatre coins, de cache-cache et de colin-maillart ; parfois même on se haussait jusqu’à tenter l’organisation d’un tennis. Ces demoiselles, au bout de huit jours, appelaient ces messieurs par leur petit nom : M. Paul, M. Théodore ou M. Gaston ; ces messieurs disaient : Mlle Jacqueline, Mlle Mimi, Mlle Yvonne. Maman Buquet échancrait les costumes de bain de ses filles pour montrer la naissance du cou, rognait le bas des jupes pour exhiber les chevilles, poussait à la consommation. On se promettait entre mères, de se revoir à Paris : « Les enfants se plaisaient déjà tellement ! » Et puis à Paris, Paul, Théodore ou Gaston ne venaient point. Leurs parents — qui peut-être s’étaient laissé pincer aussi, jadis, sur les plages vertueuses, et se méfiaient — les mariaient à de bons partis. Les demoiselles Buquet restaient pour compte ; et elles recommençaient, inlassablement, l’année suivante, à détacher leurs gants et à improviser des toilettes d’opéra-comique.

Ah ! qu’il est donc malaisé, depuis la guerre, de dénicher un mari ! Peu à peu ces déceptions exaspéraient la famille : Monsieur et Madame échangeaient des paroles aigres-douces, refaisaient sans indulgence, aux heures de colère, l’historique du ménage et se rappelaient l’un à l’autre leurs défauts, leurs gaffes, leurs déconvenues, avec la clairvoyance blessante des gens accouplés ensemble depuis longtemps ; et Jacqueline, Yvonne et Mimi attrapaient quelquefois des calottes.

Donc, ce samedi-là, M. Buquet trouvait les siens à la gare, moins Xavier ; mais on voyait rarement Xavier, le fils aîné qui commençait à s’amuser et courait les dancings.

Le père de famille s’informait des santés, des nouvelles des habitués, en phrases nerveuses, et hâtives de débarcadère.

— Et Xavier ?

— Xavier se compromet et nous compromet avec une espèce…

Qu’est-ce que c’est que ça encore ?