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Madame Yvonne Vallier
à Monsieur Robert Launay.
« Mon cher ami,

« Je sais que vous n’aimez pas perdre votre temps, selon votre expression. Or, je vous en avertis : vous le perdez en ce moment : je n’irai point, malgré votre insistance cavalière, visiter votre garçonnière.

« Ça vous étonne, hein ? Vous étiez déjà, comme tous vos pareils, les petits jeunes gens modernes, si sûr de vous ! Vous m’aviez rencontrée au dancing. Je m’y trouvais par hasard. J’ai accepté votre invitation, parce que la Samba était entraînante, parce que je voulais me donner un peu d’exercice, peut-être aussi parce que vous apparaissiez jeune et gentil. Nous avons échangé quelques paroles : vous vouliez savoir qui j’étais. Il s’est trouvé que nous connaissions les mêmes personnes. Je vous ai invité chez moi. Nous nous sommes revus. Et vous m’avez fait la cour… oh ! à votre façon, à votre façon, péremptoire et maladroite, qui me choquait souvent et m’amusait quelquefois… rarement d’ailleurs.

« Vous vous disiez : voilà une femme mariée à un homme de 45 ans. Elle en a 35. C’est le bel âge pour commettre une bêtise. Elle est un peu grasse selon moi, qui préfère les modernes extra-plates. Elle a des jambes, des bras, des cheveux, des hanches et de la poitrine. Mais enfin, elle est tout de même bien. Je me ferai une raison. Je lui plais. Je suis jeune, je suis beau — ne protestez pas, vous le croyez, — je suis élégant — vous le croyez aussi, — je suis sportif, je suis irrésistible et mes pareils remportent tous les succès sur les scènes des boulevards,

« Malgré cela, je ne tombe pas dans vos bras ! La poule ne marche pas, comme vous dites en votre langage galant, respectueux et imagé ! Pourquoi ?

« Pourquoi ? Je vais vous l’écrire. Tâchez de comprendre et d’en tirer votre profit.

« Avez-vous remarqué mon mari ? Il n’est peut-être plus à la mode : il porte sa barbe et elle grisonne. Il n’a