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cheminée. Que de fois ai-je déjà fait, avant la venue de Marie-Louise, de semblables préparatifs !

Aujourd’hui, j’y apporte plus de soin, plus d’entrain. Et j’attends avec plus d’impatience l’heure du rendez-vous. Quelle émotion délicieuse ! Un coup de sonnette : un bruit de jupe derrière la porte : voici Mlle Claire.

Nous nous embrassons, sans coup férir, si j’ose employer cette métaphore. Je sens tout de suite que « c’est entendu » qu’elle ne fera aucune résistance. Pauvre petite Marie-Louise !

Mlle Claire s’assied avec des grâces de mannequin. Elle semble toujours présenter devant les glaces des chapeaux aux clientes. Seulement, elle est devenue poseuse, et difficile. Je n’ai pas su choisir les chatteries qu’elle préfère. J’ai l’habitude des goûts de Marie-Louise, moi.

Comme tous les rendez-vous se ressemblent ! On répète toujours à peu près les mêmes phrases jusqu’au moment du déshabillage et du coucher ; et là aussi, d’ailleurs, on répète les mêmes phrases.

Mlle Claire a les cheveux courts, les bras un peu minces ! à mon gré. J’éprouve une légère déception. Marie-Louise possède une si longue chevelure et de si beaux bras ! Et puis, comment expliquer cela ? C’est bien difficile, mesdames. — Enfin, voilà : c’est comme pour la dînette de tout à l’heure. Je ne sais pas quelles chatteries elle préfère, cette femme.

J’ai l’habitude des goûts de Marie-Louise. Nous nous entendons à merveille, nous deux. Je ne sais si je me fais bien comprendre ? Avec Marie-Louise, j’ai l’impression d’être chez moi, dans mes meubles ; avec Claire, il me semble faire une visite, une courte visite chez une personne étrangère. Nous sommes déçus l’un et l’autre. Mon Dieu ! que ces explications sont difficiles à donner !

Claire ne dort pas non plus, à la façon de Marie-Louise. Je trouve partout un bras étendu, une jambe allongée, qui bougent, à croire que mon amie de cette nuit a une demi-douzaine de bras et de jambes. On croirait se trouver auprès d’une idole hindoue, On les rencontre de tous les