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RENÉ LE CŒUR



I


J’étais entré dans ce petit théâtre, par désœuvrement, par curiosité, peut-être aussi par concupiscence, comme disaient les bons pères, au temps de mon enfance, quand je faisais des vers aux actrices pendant les heures d’études, derrière le dictionnaire latin : gradus ad Parnassum.

L’affiche du spectacle annonçait une opérette grecque, romaine ou égyptienne, avec un titre affriolant. C’était la spécialité de la maison, ces opérettes, qui faisaient recette grâce à un procédé fort simple : on y exhibait des femmes nues. Elles avaient évidemment un cache-sexe.

Il constituait, à lui seul, tout le costume. Ah ! la direction ne se ruinait pas en toilettes ! Et les frais de plateau, selon le terme de métier, s’en trouvaient considérablement réduits.

Quelle différence existait-il entre l’opérette grecque et l’opérette égyptienne ? Ça, je ne l’ai jamais très bien compris. Ces demoiselles étaient également nues dans l’une et l’autre pièce. Peut-être la coiffure changeait-elle un peu ; et aussi le nom des personnages. C’était un bien amusant petit théâtre. Il a disparu aujourd’hui, éventré par la pioche des démolisseurs.

Il y avait un petit bar adjoint au théâtre. Les actrices et les figurantes venaient retrouver, devant le comptoir d’acajou, les messieurs à qui elles faisaient de l’œil,

No 39