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cette bonne action-là. Mais il y a tant d’injustices commises aux distributions de prix ! Demandez aux candidats évincés.

Donc, l’autre jour, j’arrive chez ma petite amie, à dix heures, par un matin sale, brumeux, jaunâtre, plein d’employés et de marchands de marrons.

Quelle gentille visite, quelle agréable sensation ! On vient de prendre le tub glacé : on a rapidement marché, à l’air froid du dehors, et l’on trouve chez elle, dans l’appartement tiède, rempli de fleurs fripées de la veille, une jolie fille, couchée à peu près nue, en un lit chaud, un lit qui sent bon la peau de femme et qui vous donne, avec ses draps chiffonnés et ses oreillers de travers, des idées de paresse et des idées d’amour.

— Oh ! comme tu as froid !

— Oh ! comme tu as chaud !

— Non, retire ta main, tu me glaces, tu me découvres, tu es insupportable vraiment. Pas ce matin. Assieds-toi là.

Je m’assieds sur le couvre-lit de satin. Marie-Louise prend une figure sérieuse. Quand Marie-Louise prend cette figure-là, c’est généralement pour me charger d’une importante commission.

— Écoute, mon chéri, tu serais bien gentil de passer tantôt chez la modiste.

— Ça y est. J’en étais sûr.

Marie-Louise continue, d’un air de femme préoccupée par une chose très grave, très utile, très urgente :

— Voilà : j’ai vu hier des chapeaux qui me plaisent, et, tu sais, ils ne sont pas trop chers : dans les quatre-vingt-dix à cent francs.

C’est moi, maintenant, qui ai pris une figure sérieuse. Je la vois dans la glace. Marie-Louise, enchantée de mon attention, m’explique :

— Il fait froid. Je n’ai pas envie de sortir avant cinq heures. Ce sera la nuit, je ne pourrai plus essayer. Alors, tu vas passer, toi, chez la modiste, me faire envoyer des chapeaux avant la fin du jour, surtout.

— Mais tu crois que je saurai ?…