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— C’est pas vos oignons ! Je connais l’élégance mieux que vous, peut-être. J’en ai donné, des leçons d’élégance à une femme du monde.

— Non ?

— Si ! C’était la femme de mon amant !

— Vous avez eu un amant, Marie-Louise ?

Elle pouffe de rire :

— Un amant ! Mon pauvre ami, j’en ai eu dix, j’en ai eu vingt, j’en ai eu trente…

— Je voulais dire : vous avez eu un amant protecteur, un entreteneur, quoi ?

Le monsieur habitué s’exprime avec une clarté fâcheuse. À l’allure, il n’est certainement pas diplomate. Je le croirais plutôt courtier en vins.

— Oui, j’ai été entretenue, une fois dans ma vie, par un seul homme.

— Bigre ! Quel était ce capitaliste ?

— Charriez pas ! Il était quart d’agent de change. Et un quart comme celui-là, ça fait plusieurs entiers comme vous.

Marie-Louise, qui ne se soucie plus de moi et tient à prouver ses compétences d’élégante, continue :

— Il s’appelait Chaussey. Il venait me voir régulièrement trois fois par semaine. J’avais une bonne. Je ne me souciais pas du lendemain. J’étais heureuse

Voilà qu’un jour on m’annonça la visite d’une dame. Je connais peu de dames. Nous autres, ce sont plutôt les messieurs qui viennent nous voir. Enfin, je demande :

— Qui est cette dame ? Qu’est-ce qu’elle veut ?

Et ma bonne me rapporte une mignonne carte sur quoi il y avait écrit : Madame Gaston Chaussey. On m’aurait mis un serpent vivant dans le creux de la main que je n’aurais pas été plus émue, parole ! Mais on a son courage dans tous les métiers, même dans… celui-là. Elle avait peut-être un revolver ou un vaporisateur de vitriol, la dame. Je dis :

— Faites entrer.

Et je vois arriver une petite femme blonde, très gen-