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malade. L’ami d’Yvette aurait-il du chagrin ? Quelque trahison peut-être ?

Cet homme-là doit souhaiter secrètement de trouver un confident. Les amoureux malheureux ont presque toujours besoin d’un confident ; les amoureux heureux aussi, d’ailleurs.

Je fais donc la connaissance de l’ami d’Yvette. C’est facile. Depuis le temps que nous nous rencontrons devant l’abreuvoir d’acajou.

Eh bien ! elle n’est pas sentimentale, elle est même farce, l’histoire de l’ami d’Yvette.

Il était, avant le départ de la belle fille, un gros garçon content de soi, avec une tête carrée d’homme d’affaires, une courte moustache en brosse à dents, un chapeau mou trop petit, selon le goût de la plupart des Français. Maintenant, il a la prunelle éteinte et les yeux pochés.

Il me parle d’Yvette. Elle est dans le Midi, sur la Riviéra. Il vient de lui offrir un mois de Côte d’Azur.

J’interroge :

— Et vous n’êtes pas parti avec elle ?

— Les affaires… Vous savez. Oh ! je ne voulais pas la laisser aller seule là-bas. Mais vraiment…

Il hausse ses robustes épaules avec rage. Il fait bien de les hausser, car elles sont sensiblement avachies, depuis quelque temps, ses robustes épaules. Il continue :

— Tous les jours, monsieur, c’étaient des insinuations, puis des scènes, des larmes, une comédie, quoi !

« — Je suis malade ! je tousse ! Il me faudrait le Midi ! Rien qu’un mois. Naturellement, tu ne veux pas. Tu préfères me garder ici, par jalousie, et puis pour toi… pour ta distraction, parbleu ! Ce que les hommes sont égoïstes ! »

« Enfin, bref, monsieur, explique l’ami d’Yvette, elle commençait à m’assommer avec ses jérémiades. Je songeais, sérieusement, à la quitter. Le devina-t-elle ? Les femmes sont si fines, monsieur… »

Marie-Louise qui vient d’arriver, me fait un petit signe de connivence et murmure derrière l’ami d’Yvette « Plus