Page:René Le Coeur Le bar aux femmes nues, 1925.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 13 —

— Ça ne va pas ? Mauvais public.

— Ah ! Ne m’en parlez pas ! La pièce est fichue !

Il hausse les épaules et marmotte des injures crues à l’adresse des figurantes. Il conclut :

— La reine est mal bâtie, comme les autres. Elle va se faire emboîter à l’apothéose du Deux.

— C’est vrai qu’elle est comme la poupée à Jeanneton.

L’auteur réfléchit :

— Il faudrait une belle fille. Une femme bien faite pour assurer le succès. Car, sans me vanter, le texte n’est pas trop mauvais.

Et, tout à coup, l’auteur se tourne vers sa femme :

— Déshabille-toi. Il te reste juste le temps. Tu n’as rien à dire dans l’apothéose. Allons, vite. Il n’y a que toi qui puisse sauver la pièce !

Elle va se déshabiller docilement.

Elle est ravissante, toute nue, cette petite. Le cache-sexe lui sied à merveille. Le public applaudit. La partie est gagnée. Et la pièce fera cent représentations.


VI


Depuis quelque temps, on ne voit plus Yvette au petit bar.

Elle y venait régulièrement, avec son ami, à l’heure de l’apéritif, Elle s’installait sur un tabouret devant le comptoir d’acajou. Les souples mouvements de reins — les tordions, eût dit Brantôme — qu’elle exécutait pour s’asseoir plus confortablement, faisaient valoir ses formes rondes, pleines et fermes sous la robe collante et légère comme un maillot de soie.

C’est un bien intéressant spectacle qu’une belle fille sur un tabouret de bar. Mais il ne faut pas conseiller l’épreuve aux maigres, aux trop minces, aux demoiselles qui ont « la silhouette à la mode » tout juste bonne pour constituer un porte-manteau.

Maintenant, l’ami d’Yvette vient s’asseoir solitaire et brouter des pailles avec un air morne, aspect de ruminant