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décidait pas à faire son choix, elles ont commencé à prendre un air vexé. Et puis, quand elles ont su que le monsieur venait là pour chercher des sujets d’histoires nous sommes devenus tout à fait bons camarades, elles et moi. Et elles m’en ont raconté ! Elles m’en ont raconté ! La plupart n’offrent d’ailleurs aucune espèce d’intérêt. Les thèmes proposés donnent une amusante idée des conceptions littéraires de mes jeunes amies du petit bar :

— Vous direz dans votre journal que l’ouvreuse nous chipe tous nos clients. Vous comprenez, monsieur, ça n’est pas juste. On se met toutes nues pour travailler ; on gagne 10 francs par jour à attraper froid ! Et puis l’ouvreuse profite de ce qu’elle est dans la salle pour donner des rendez-vous aux messieurs ; nous voyons du plateau son manège, Des fois, j’ai envie de sauter par-dessus le trou du souffleur.

Évidemment, comme sujet d’histoire, c’est un peu mince. Mais il n’en faut pas rire. J’ai lu des volumes de 300 pages qui avaient remporté un prix littéraire et qui ne comportaient pas une intrigue plus compliquée que celle de l’ouvreuse, des petites dames et des messieurs. Seulement, ces volumes là n’étaient pas drôles du tout.

— Moi, j’en connais une bonne, d’histoire, me déclare la belle Marie-Louise, qui est la Schéhérazade du bar. C’est l’histoire de Liseron qui avait un ami très riche. Mais il ne venait jamais ici. On ne le voyait jamais.

— Peut-être bien qu’il n’existait pas, déclare Lucette qui porte les cheveux courts et qui a l’air fûtée.

— Penses-tu ! Le manteau existait, lui, tu te rappelles le manteau de Liseron ? Et sa jolie montre de poignet, et tout, quoi.

Marie-Louise Schéhérazade continue, pour le monsieur :

— Nous avions toutes, il faut bien en convenir, l’envie de la situation de Liseron. Et Yvette, une petite, très gentille, pas bien riche, qui ne vient plus ici, lui répétait toujours :

— Ah ! Lili, ce que je voudrais avoir un ami comme le tien.