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le théosophisme

damentaux d’être des conceptions plus ou moins strictement ésotériques, d’inspiration religieuse ou même mystique, bien que d’un mysticisme un peu spécial sans doute, et se réclamant d’une tradition tout occidentale, dont la base est toujours, sous une forme ou sous une autre, le Christianisme. Telles sont, par exemple, des doctrines comme celles de Jacob Bœhme, de Gichtel, de William Law, de Jane Lead, de Swedenborg, de Louis-Claude de Saint-Martin, d’Eckartshausen ; nous ne prétendons pas donner une liste complète, nous nous bornons à citer quelques noms parmi les plus connus.

Or l’organisation qui s’intitule actuellement « Société Théosophique », dont nous entendons nous occuper ici exclusivement, ne relève d’aucune école qui se rattache, même indirectement, à quelque doctrine de ce genre ; sa fondatrice, Mme Blavatsky, a pu avoir une connaissance plus ou moins complète des écrits de certains théosophes, notamment de Jacob Bœhme, et y puiser des idées qu’elle incorpora à ses propres ouvrages avec une foule d’autres éléments des provenances les plus diverses, mais c’est tout ce qu’il est possible d’admettre à cet égard. D’une façon générale, les théories plus ou moins cohérentes qui ont été émises ou soutenues par les chefs de la Société Théosophique n’ont aucun des caractères que nous venons d’indiquer, à part la prétention à l’ésotérisme : elles se présentent, faussement d’ailleurs, comme ayant une origine orientale, et, si l’on a jugé bon d’y joindre depuis un certain temps un pseudo-christianisme d’une nature très particulière, il n’en est pas moins vrai que leur tendance primitive était, au contraire, franchement antichrétienne. « Notre but, disait alors Mme Blavatsky, n’est pas de restaurer l’Hindouisme, mais de balayer le Christianisme de la surface de la terre »[1]. Les choses ont-elles changé, depuis lors, autant que les

  1. Déclaration faite à M. Alfred Alexander, et publiée dans The Medium and Daybreak, de Londres, janvier 1898, p. 23.