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dait apercevait, épouvanté, une araignée énorme ; alors elle disait en souriant : « Cette araignée n’existe pas, c’est moi qui vous la fais voir. » Olcott, de son côté, a écrit ceci dans ses Old Diary Leaves : « Nul ne fascinait mieux qu’elle quand elle le voulait, et elle le voulait quand elle désirait attirer les personnes dans son travail public. Alors, elle se faisait caressante de ton et de manières, donnait à sentir à la personne qu’elle la regardait comme sa meilleure, sinon sa seule amie… Je ne saurais dire qu’elle était loyale… Nous n’étions pour elle, je crois, rien de plus que des pions dans un jeu d’échecs, car elle n’avait pas d’amitié sincère. »

Nous avons cité plus haut le cas de Bavadjî, amené par la suggestion hypnotique à se faire le complice des fraudes de Mme Blavatsky, et cela d’une façon inconsciente, tout au moins tant qu’il fut à Adyar. Le plus souvent, cependant, Mme Blavatsky usait de la suggestion à l’état de veille, comme on le voit dans l’anecdote rapportée par Arthur Arnould ; ce genre de suggestion est habituellement plus difficile à réaliser que l’autre et demande une force de volonté et un entraînement beaucoup plus grands, mais il était généralement facilité par le régime alimentaire fort restreint que Mme Blavatsky imposait à ses disciples sous prétexte de les « spiritualiser ». C’est déjà ainsi que les choses se passaient à New-York : « Nos théosophes, disait-elle, sont en général tenus, non seulement de ne pas prendre une goutte de boisson, mais de jeûner continuellement. Je leur enseigne à ne pas manger quoi que ce soit ; s’ils ne meurent pas, ils apprendront ; mais ils ne peuvent pas résister, ce qui est tant mieux pour eux »[1]. Il va sans dire que Mme Blavatsky elle-même était loin de s’appliquer un semblable régime : tout en recommandant énergiquement le végétarisme et en le proclamant même indispensable au « développement spirituel », elle ne l’adopta jamais pour son propre compte, non plus qu’Olcott d’ailleurs ; elle avait

  1. Lettre du 15 juin 1877.