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Au cours de ses confidences à Solovioff. Mme Blavatsky dit encore : « Que doit-on faire quand, pour gouverner les hommes, il est nécessaire de les tromper ; quand, pour leur persuader de se laisser conduire où vous voulez, vous devez leur promettre et leur montrer des joujoux ?… Supposez que mes livres et le Theosophist aient été mille fois plus intéressants et plus sérieux, croyez-vous que j’aurais eu le moindre succès quelque part, si derrière tout cela il n’y avait pas eu les « phénomènes » ?… Savez-vous bien que, presque invariablement, plus un « phénomène » est simple et grossier, plus il a de chances de réussir ?… L’immense majorité des individus qui se considèrent et que les autres considèrent comme habiles est inconcevablement bête. Si vous saviez seulement combien de lions et d’aigles, dans tous les coins du globe, se sont changés en ânes à mon coup de sifflet, et ont agité avec obéissance leurs grandes oreilles au moment où je forçais la note ! »[1] Ces passages sont tout à fait caractéristiques de la mentalité de Mme Blavatsky, et ils définissent admirablement le vrai rôle des « phénomènes » , qui furent toujours le principal élément de succès du théosophisme dans certains milieux, et qui contribuèrent puissamment à faire vivre la Société… et ses chefs.

Ainsi, comme l’a reconnu Solovioff, « Mme Blavatsky était douée d’une sorte de magnétisme qui attirait avec une force irrésistible »[2] ; lui-même, s’il sut finalement se soustraire à cette influence, n’y avait pas toujours échappé complètement, puisqu’il avait signé au moins un des fameux procès-verbaux que Mme de Morsier, avec la plus entière bonne foi, elle aussi, rédigeait « sous la direction et la revision » de Mme Blavatsky. Arthur Arnould a déclaré également que « sa puissance de suggestion était formidable » ; il racontait à ce propos que souvent, à Londres, il lui arrivait de dire à quelqu’un « Regardez sur vos genoux » ; et celui qui regar-

  1. A modern priestess of Isis, pp. 154-157.
  2. Ibid., p. 220.