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Si Solovioff avait signé comme bien d’autres, il y eut pourtant quelques exceptions ; en effet, voici ce que le Dr Charles Richet écrivit à Solovioff le 12 mars 1893 : « J’ai connu Mme Blavatsky à Paris, en 1884, par l’entremise de Mme de Barrau… Lorsque je vous ai vu, vous m’avez dit : « Réservez votre jugement, elle m’a montré des choses qui me paraissent très étonnantes, mon opinion n’est pas faite encore, mais je crois bien que c’est une femme extraordinaire, douée de propriétés exceptionnelles. Attendez, et je vous donnerai de plus amples explications. » J’ai attendu, et vos explications ont été assez conformes à ce que je supposais tout d’abord, à savoir que c’était sans doute une mystificatrice, très intelligente assurément, mais dont la bonne foi était douteuse. Alors sont arrivées les discussions que la Société anglaise des recherches psychiques a publiées, et le doute n’a plus été possible. Cette histoire me paraît fort simple. Elle était habile, adroite, faisait des jongleries ingénieuses, et elle nous a, au premier abord, tous déroutés. Mais je mets au défi qu’on cite une ligne de moi, imprimée ou manuscrite, qui témoigne d’autre chose que d’un doute immense et d’une réserve prudente. À vrai dire, je n’ai jamais cru sérieusement à son pouvoir, car, en fait d’expériences, la seule vraie constatation que je puisse admettre, elle ne m’a jamais rien montré de démonstratif »[1]. Il eût été bien souhaitable que le D Richet continuât toujours à faire preuve d’autant de prudence et de perspicacité qu’à cette époque ; mais lui aussi devait en arriver plus tard à signer des procès-verbaux de phénomènes médiumniques qui valaient bien ceux de Mme Blavatsky, et de « matérialisations » de tout point comparables à celles de John King et aux « Mahâtmâs en mousseline » de Babula.

  1. Il paraît cependant, au dire de Mme Blavatsky, que Solovioff et Mme de Barrau avaient décidé le Dr Richet, alors directeur de la Revue Scientifique, à adhérer à la Société Théosophique (Le Lotus, juin 1887, p. 194) ; lorsqu’il eut ensuite pris parti contre Mme Blavatsky, celle-ci le traita de « sorcier inconscient » (id., octobre-novembre 1888, p. 389).