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bien de ne rien tenter en sa faveur, soit dans les milieux littéraires et les journaux russes, soit auprès de la Société des recherches psychiques dont le rapport était alors sous presse.

Au bout de quelque temps, Mme Blavatsky adressa à Solovioff la lettre dont nous avons déjà reproduit des extraits, et dans laquelle, pensant bien que le destinataire la communiquerait à quelques membres de la Société, elle menaçait de proclamer publiquement l’inexistence des « Mahâtmâs », tout en s’étendant beaucoup sur sa vie privée qui ne regardait personne. Quelques jours plus tard, elle écrivait encore une autre lettre, suppliant son compatriote de ne pas la « trahir » ; pour toute réponse, Solovioff adressa, le 16 février 1886, sa démission à M. Oakley, secrétaire de la Société d’Adyar, en donnant comme principal motif celui-ci : « Mme Blavatsky a voulu profiter de mon nom et m’a fait signer et publier le récit d’un phénomène obtenu par fraude au mois d’avril 1884. » C’était d’ailleurs l’habitude de Mme Blavatsky d’agir ainsi, et elle pensait tenir ses dupes par leur signature : « Croiriez-vous, avait-elle dit à Solovioff, qu’avant comme après la fondation de la Société Théosophique. je n’ai pas rencontré plus de deux ou trois hommes capables d’observer, de voir et de remarquer ce qui se passait autour d’eux ? C’est simplement étonnant. Au moins neuf personnes sur dix sont entièrement dépourvues de la capacité d’observation et du pouvoir de se rappeler exactement ce qui a eu lieu quelques heures auparavant. Combien de fois il est arrivé que, sous ma direction et sous ma revision, des procès-verbaux relatifs à des phénomènes ont été rédigés ! Les personnes les plus innocentes et les plus consciencieuses, même des sceptiques, même ceux qui me suspectent actuellement, ont signé en toutes lettres comme témoins au bas des procès-verbaux ; et toujours je savais que ce qui était arrivé n’était nullement ce qui était rapporté dans ces procès-verbaux »[1].

  1. A modern priestess of Isis, p. 157.