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comme exemples l’histoire du comte de Saint-Germain, qui est sans doute la plus connue, et celle de Gualdi, l’alchimiste de Venise ; or les théosophistes racontent exactement les mêmes choses au sujet des « Mahâtmâs »[1]. Il n’y a donc pas lieu de chercher ailleurs l’origine de ceux-ci, et l’idée même de situer leur demeure dans l’Inde ou dans l’Asie centrale provient des mêmes sources ; en effet, dans un ouvrage publié en 1714 par Sincerus Renatus, le fondateur de la « Rose-Croix d’Or », il est dit que les Maîtres de la Rose-Croix sont partis pour l’Inde depuis quelque temps, et qu’il n’en reste plus aucun en Europe ; la même chose avait déjà été annoncée précédemment par Henri Neuhaus, qui ajoutait que ce départ avait eu lieu après la déclaration de la guerre de Trente Ans. Quoi qu’il faille penser de ces assertions (dont il convient de rapprocher celle de Swedenborg, que c’est désormais parmi les Sages du Thibet et de la Tartarie qu’il faut chercher la « Parole perdue », c’est-à-dire les secrets de l’initiation), il est certain que les Rose-Croix eurent des liens avec des organisations orientales, musulmanes surtout ; en dehors de leurs propres affirmations, il y a à cet égard des rapprochements remarquables : le voyageur Paul Lucas, qui parcourut la Grèce et l’Asie Mineure sous Louis XIV, raconte qu’il rencontra à Brousse quatre derviches dont l’un, qui semblait parler toutes les langues du monde (ce qui est aussi une faculté attribuée aux RoseCroix), lui dit qu’il faisait partie d’un groupe de sept personnes qui se retrouvaient tous les vingt ans dans une ville désignée à l’avance ; il lui assura que la pierre philosophale permettait de vivre un millier d’années, et lui raconta l’histoire de Nicolas Flamel que l’on croyait mort et qui vivait aux Indes avec sa femme[2].

Nous ne prétendons pas formuler ici une opinion sur l’existence des « Maîtres » et la réalité de leurs facultés extraordinaires ; il faudrait entrer dans de longs développements

  1. Le Monde Occulte, pp. 269-270.
  2. Voyage du sieur Paul Lucas, ch. xii.