Page:René Guénon - Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

quoique moins publiquement, dans certains moments de colère et de découragement. Non seulement elle a dit dans un de ses derniers ouvrages que l’accusation d’avoir imaginé les « Mahatmâs » et leurs enseignements, loin de lui porter préjudice, fait un honneur excessif à son intelligence, ce qui est d’ailleurs contestable, et « qu’elle en est presque venue à préférer que l’on ne croie pas aux Maîtres »[1] ; mais encore, en ce qui concerne les « phénomènes », nous trouvons sous la plume d’Olcott cette déclaration fort nette : « À certains jours, elle se trouvait dans des dispositions telles qu’elle se prenait à nier les pouvoirs mêmes dont elle nous avait donné le plus de preuves soigneusement contrôlées par nous ; elle prétendait alors qu’elle avait mis son public dedans ! »[2]. Et Olcott se demande à ce propos « si elle n’a pas voulu parfois se moquer de ses propres amis » ; c’est bien possible, mais est-ce lorsqu’elle leur montrait des « phénomènes » qu’elle se moquait d’eux, ou lorsqu’elle les prétendait faux ? Quoi qu’il en soit, les négations de Mme Blavatsky faillirent bien dépasser le cercle de ses familiers, car elle écrivit un jour ceci à son compatriote Solovioff : « Je dirai et publierai dans le Times et dans tous les journaux que le « Maître » (Morya) et le « Mahâtmâ Koot Hoomi » sont seulement le produit de ma propre imagination, que je les ai inventés, que les phénomènes sont plus ou moins des apparitions spiritualistes, et j’aurai vingt millions de spirites derrière moi »[3]. Si cette menace n’avait pas suffi à produire l’effet voulu sur certains milieux qui devaient être visés à travers le destinataire de cette lettre, Mme Blavatsky n’aurait sans doute pas hésité à la mettre à exécution, et ainsi son équipée aurait fini exactement comme celle de Taxil ; mais celui qui a trompé en affirmant la vérité de tout ce qu’il racontait peut bien

  1. La Clef de la Théosophie, pp. 395-397.
  2. Extrait des Old Diary Leaves reproduit dans le Lotus Bleu, 27 novembre 1895, p. 418.
  3. Lettre de février 1886.