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le théosophisme

se trouvait en concurrence directe avec la Golden Dawn et la Societas Rosicruciana, et ses membres, qui étaient spirites pour la plupart, étaient accusés de faire de la « magie noire », suivant une habitude qui est d’ailleurs fort répandue dans les milieux théosophistes, ainsi que nous aurons l’occasion de le voir plus tard. La lettre du comte Mac-Gregor porte les devises suivantes : « Sapiens dominabitur astris. — Deo duce, comite ferro. — Non omnis moriar. — Vincit omnia veritas », dont la dernière, chose curieuse, est également la devise de la H. B. of L., adversaire déclarée de la Société Théosophique et de la Societas Rosicruciana[1]. Elle se termine par ces mots qui lui confèrent un caractère officiel : « Publié par ordre du Supérieur Sapere Aude, Cancellarius in Londinense », et que suit ce post-scriptum assez énigmatique : « Sept adeptes qui possèdent l’élixir de longue vie, vivent actuellement et se réunissent chaque année dans une ville différente. » L’Imperator de la G. D. était-il l’un de ces « sept adeptes » mystérieux ? C’est bien possible, et il y a même pour nous d’autres indices qui semblent le confirmer ; mais sans doute le « Supérieur Sapere Aude » n’avait-il pas autorisé de révélations plus explicites à cet égard[2].

L’auteur de la lettre que nous venons de citer, qui est mort il y a quelques années, était le frère aîné d’un autre M. Mac-Gregor, représentant en France de l’Order of the Golden Dawn in the Outer, et également membre de la Société Théosophique. On fit quelque bruit à Paris, en 1899 et en 1903, autour des tentatives de restauration du culte d’Isis par

  1. La H. B. of L. avait une interprétation particulière du Rosicrucianisme, dérivée principalement des théories de P. B. Randolph et de la « Fraternité d’Eulis ». — Il parut à Philadelphie, en 1882, un ouvrage intitulé The Temple of the Rosy-Cross, dont l’auteur, F. B. Dowd, était un membre de la H. B. of L.
  2. Il a été publié en 1894, sous le nom de « Sapere Aude, Fra. R. R. et A. C. », un ouvrage intitulé La Science de l’Alchimie spirituelle et matérielle, qui contient un assez grand nombre d’erreurs historiques, et une traduction annotée du traité kabbalistique Æsh Mezareph, dans laquelle n’est même pas mentionné le commentaire qu’Éliphas Lévi avait fait de ce livre en l’attribuant, assez gratuitement du reste, à Abraham le Juif, l’initiateur supposé de Nicolas Flamel.