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les origines de la société théosophique

doxes ou autres, sont terriblement contre les esprits, les médiums, les évocations nécromanciennes, ou les relations avec les morts de n’importe quelle manière ou sous n’importe quelle forme »[1]. Cette affirmation est d’ailleurs parfaitement exacte, et nous croyons sans peine qu’aucune alliance de ce genre n’eût été possible sans l’attitude antispirite que Mme Blavatsky affichait depuis quelque temps, plus précisément depuis son affiliation à la H. B. of L. ; mais, tandis que les Brahmanes orthodoxes n’auraient vu dans cet accord sur un point purement négatif qu’une garantie extrêmement insuffisante, il n’en fut pas de même pour les « autres », ou tout au moins pour l’un d’entre eux, ce Dayânanda Saraswatî qu’Olcott appelait alors « un des plus nobles Frères vivants »[2], et dont les correspondances, transmises en réalité par une voie toute naturelle, allaient bientôt se transformer en « messages astraux » émanés des « Mahâtmâs » thibétains. Pourtant, ce même Dayânanda Saraswatî devait, en 1882, rompre son alliance avec la Société Théosophique, en dénonçant Mme Blavatsky, qu’il avait eu l’occasion de voir de près dans l’intervalle, comme une « farceuse » (trickster), et en déclarant « qu’elle ne connaissait rien de la science occulte des anciens Yogîs et que ses soi-disant phénomènes n’étaient dus qu’au mesmérisme, à des préparations habiles et à une adroite prestidigitation », ce qui était en effet la stricte vérité[3].

Au point où nous en sommes arrivé, une constatation s’impose : c’est que les noms des soi-disant « guides spirituels » de Mme Blavatsky, John King d’abord, Sérapis ensuite, et enfin le « Kashmiri brother », ne faisaient en somme que traduire les différentes influences qui se sont successivement exercées sur elle ; c’est là ce qu’il y a de très réel sous toute la fantasmagorie dont elle s’entourait, et l’on a trop peu

  1. Lettre déjà citée du 15 octobre 1877.
  2. Lettre à Stainton Moses, 1876.
  3. Dayânanda Saraswatî mourut le 30 octobre 1883.