Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/38

Cette page n’a pas encore été corrigée

où la vérité se trouverait dans une combinaison de l’une et de l’autre, les résultats sont exactement les mêmes ; au point où les choses en sont arrivées, il est grand temps de réagir, et c’est ici, redisons-le une fois de plus, que l’Orient peut venir au secours de l’Occident, si toutefois celui-ci le veut bien, non pour lui imposer des conceptions qui lui sont étrangères, comme certains semblent le craindre, mais bien pour l’aider à retrouver sa propre tradition dont il a perdu le sens.

On pourrait dire que l’antithèse de l’Orient et de l’Occident, dans l’état présent des choses, consiste en ce que l’Orient maintient la supériorité de la contemplation sur l’action, tandis que l’Occident moderne affirme au contraire la supériorité de l’action sur la contemplation. Ici, il ne s’agit plus, comme lorsqu’on parlait simplement d’opposition ou de complémentarisme, donc d’un rapport de coordination entre les deux termes en présence, il ne s’agit plus, disons-nous, de points de vue dont chacun peut avoir sa raison d’être et être accepté tout au moins comme l’expression d’une certaine vérité relative ; un rapport de subordination étant irréversible par sa nature même, les deux conceptions sont réellement contradictoires, donc exclusives l’une de l’autre, de sorte que forcément, dès que l’on admet qu’il y a effectivement subordination, l’une est vraie et l’autre fausse. Avant d’aller au fond même de la question, remarquons encore ceci : alors que l’esprit qui s’est maintenu en Orient est vraiment de tous les temps, ainsi que nous le disions plus haut, l’autre esprit n’est apparu qu’à une époque fort récente, ce qui, en dehors de toute autre considération, peut déjà donner à penser qu’il est quelque chose d’anormal. Cette impression est confirmée par l’exagération même où tombe, en suivant la tendance qui lui est propre, l’esprit occidental moderne, qui, non content de proclamer en toute occasion la supériorité de l’action, en est arrivé à en faire sa préoccupation exclusive et à dénier toute valeur à la contemplation, dont il ignore ou méconnaît d’ailleurs entièrement la véritable nature. Au contraire, les doctrines orientales, tout en affirmant aussi nettement que possible la supériorité et même la transcendance de la contemplation par rapport à l’action, n’en accordent pas moins à celle-ci sa place légitime et reconnaissent volontiers toute son importance dans l’ordre des contingences humaines[1].

Les doctrines orientales, et aussi les anciennes doctrines occidentales, sont unanimes à affirmer que la contemplation est supérieure à

  1. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées p38