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Nous faisions allusion tout à l’heure au courant traditionnel venu des régions occidentales ; les récits des anciens, relatifs à l’Atlantide, en indiquent l’origine ; après la disparition de ce continent, qui est le dernier des grands cataclysmes arrivés dans le passé, il ne semble pas douteux que des restes de sa tradition aient été transportés en des régions diverses, où ils se sont mêlés à d’autres traditions préexistantes, principalement à des rameaux de la grande tradition hyperboréenne ; et il est fort possible que les doctrines des Celtes, en particulier, aient été un des produits de cette fusion. Nous sommes fort loin de contester ces choses ; mais que l’on songe bien à ceci : c’est que la forme proprement « atlantéenne » a disparu il y a des milliers d’années, avec la civilisation à laquelle elle appartenait, et dont la destruction ne peut s’être produite qu’à la suite d’une déviation qui était peut-être comparable, à certains égards, à celle que nous constatons aujourd’hui, bien qu’avec une notable différence tenant à ce que l’humanité n’était pas encore entrée alors dans le Kali-Yuga ; c’est aussi que cette tradition ne correspondait qu’à une période secondaire de notre cycle, et que ce serait une grande erreur que de prétendre l’identifier à la tradition primordiale dont toutes les autres sont issues, et qui seule demeure du commencement à la fin. Il serait hors de propos d’exposer ici toutes les données qui justifient ces affirmations ; nous n’en retiendrons que la conclusion, qui est l’impossibilité de faire revivre présentement une tradition « atlantéenne », ou même de s’y rattacher plus ou moins directement ; il y a d’ailleurs bien de la fantaisie dans les tentatives de cette sorte. Il n’en est pas moins vrai qu’il peut être intéressant de rechercher l’origine des éléments qui se rencontrent dans les traditions ultérieures, pourvu qu’on le fasse avec toutes les précautions nécessaires pour se garder de certaines illusions ; mais ces recherches ne peuvent en aucun cas aboutir à la résurrection d’une tradition qui ne serait adaptée à aucune des conditions actuelles de notre monde.

Il en est d’autres qui veulent se rattacher au « celtisme », et, parce qu’ils font ainsi appel à quelque chose qui est moins éloigné de nous, il peut sembler que ce qu’ils proposent soit moins irréalisable ; pourtant, où trouveront-ils aujourd’hui le « celtisme » à l’état pur, et doué encore d’une vitalité suffisante pour qu’il soit possible d’y prendre un point d’appui ? Nous ne parlons pas, en effet, de reconstitutions archéologiques ou simplement « littéraires », comme on en a vu quelques-unes ; c’est de tout