Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Chapitre II

L’opposition de l’Orient et de l’Occident


Un des caractères particuliers du monde moderne, c’est la scission qu’on y remarque entre l’Orient et l’Occident ; et, bien que nous ayons déjà traité cette question d’une façon plus spéciale, il est nécessaire d’y revenir ici pour en préciser certains aspects et dissiper quelques malentendus. La vérité est qu’il y eut toujours des civilisations diverses et multiples, dont chacune s’est développée d’une façon qui lui était propre et dans un sens conforme aux aptitudes de tel peuple ou de telle race ; mais distinction ne veut pas dire opposition, et il peut y avoir une sorte d’équivalence entre des civilisations de formes très différentes, dès lors qu’elles reposent toutes sur les mêmes principes fondamentaux, dont elles représentent seulement des applications conditionnées par des circonstances variées. Tel est le cas de toutes les civilisations que nous pouvons appeler normales, ou encore traditionnelles ; il n’y a entre elles aucune opposition essentielle, et les divergences, s’il en existe, ne sont qu’extérieures et superficielles. Par contre, une civilisation qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n’est même fondée en réalité que sur une négation des principes, est par là même dépourvue de tout moyen d’entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s’établir que par en haut, c’est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée. Dans l’état présent du monde, nous avons donc, d’un côté, toutes les civilisations qui sont demeurées fidèles à l’esprit traditionnel, et qui sont les