Page:René Guénon - La Crise du monde moderne.djvu/14

Cette page n’a pas encore été corrigée

conditions autres que celles qui avaient existé antérieurement, réadaptation qui s’accomplit en un sens rigoureusement orthodoxe ; c’est ce qui eut lieu notamment en Chine, où la doctrine, primitivement constituée en un ensemble unique, fut alors divisée en deux parties nettement distinctes : le Taoïsme, réservé à une élite, et comprenant la métaphysique pure et les sciences traditionnelles d’ordre proprement spéculatif ; le Confucianisme, commun à tous sans distinction, et ayant pour domaine les applications pratiques et principalement sociales. Chez les Perses, il semble qu’il y ait eu également une réadaptation du Mazdéisme, car cette époque fut celle du dernier Zoroastre[1]. Dans l’Inde, on vit naître alors le Bouddhisme, qui, quel qu’ait été d’ailleurs son caractère originel[2], devait aboutir, au contraire, tout au moins dans certaines de ses branches, à une révolte contre l’esprit traditionnel, allant jusqu’à la négation de toute autorité, jusqu’à une véritable anarchie, au sens étymologique d’ « absence de principe », dans l’ordre intellectuel et dans l’ordre social. Ce qui est assez curieux, c’est qu’on ne trouve, dans l’Inde, aucun monument remontant au-delà de cette époque, et les orientalistes, qui veulent tout faire commencer au Bouddhisme dont ils exagèrent singulièrement l’importance, ont essayé de tirer parti de cette constatation en faveur de leur thèse ; l’explication du fait est cependant bien simple : c’est que toutes les constructions antérieures étaient en bois, de sorte qu’elles ont naturellement disparu sans laisser de traces[3]) ; mais ce qui est vrai, c’est qu’un tel changement dans le mode de construction correspond nécessairement à une modification profonde des conditions générales d’existence du peuple chez qui il s’est produit.

En nous rapprochant de l’Occident, nous voyons que la même époque fut, chez les Juifs, celle de la captivité de Babylone ; et ce qui est peut-être un des faits les plus étonnant qu’on ait à constater, c’est qu’une courte période de soixante-dix ans fut suffisante pour leur faire perdre jusqu’à leur écriture, puisqu’ils durent ensuite reconstituer les Livres sacrés avec des caractères tout autres que ceux qui avaient été en usage jusqu’alors. On pourrait citer encore bien d’autres événements se rapportant à peu près à la même date:nous noterons seulement que ce fut pour Rome le commencement de la période proprement « historique », succédant à l’époque « légendaire » des rois, et qu’on sait aussi, quoique d’une façon un peu vague, qu’il y eut alors d’importants mouvements chez les peuples celtiques; mais, sans y insister davantage, nous en arriverons à ce qui

  1. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées 14-2
  2. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées 14-3
  3. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées 14-4