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prendre. Elle le sentait si loin d’elle, que les couleurs quittaient ses joues. Une marée triste, une marée grise la submergeait. Un jour était fini. Pierre, immobile, silencieux sur le bord du trottoir comme un coupable qui veut devenir un étranger, et elle, trop consciente pour ignorer que la moindre phrase serait une maladresse, trop près de pleurer pour cacher sa peine et partir brutalement sans un mot. La gorge serrée, avec effort : « Au revoir, Pierre » – « Au revoir Diane, » lui est-il répondu d’un ton si lourd, avec des syllabes d’un tel poids qu’elle ne s’étonne même pas de l’immobilité d’une main qui devrait se tendre. Les doigts de Pierre sont pour Diane devenus tristement anonymes. Elle les croit à jamais privés de cette chaleur qu’elle aimait voisine de son cou et elle ne sait s’en consoler, ni même prendre le ton de l’indifférence. Elle s’étrangle avec un : au revoir, Pierre. Demain matin je téléphonerai de bonne heure.

Demain matin, elle téléphonera de bonne heure. Parce qu’elle s’éloigne d’un pas décidé, Pierre essaie de se dire qu’elle n’est ni triste ni fâchée. Il lui faut tout de même bien voir qu’une boîte à dessin tremble au bout d’un bras et il ne peut plus ne pas se souvenir qu’une boule de sanglots roulait à travers le banal : Au revoir, Pierre, demain matin, je téléphonerai de bonne heure. Seul dans la rue, incapable de savoir où il va, où il voudrait aller, il est donc contraint de se