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bouée. Un vaisseau de chair malheureuse, le Pierre Dumont va se perdre corps et biens. Qu’il disparaisse sous les flots, et que tout soit fini. Ainsi, du moins, sera évité le naufrage sur les côtes de Ratapoilopolis.

Ratapoilopolis, le naufrage, les flots. Ce serait trop simple, trop beau. Disparaître sous les flots. Allons donc. Pierre voit maintenant qu’il est dans un lit, qu’il va falloir qu’il se lève, reprenne les travaux des jours.

Alors, il pense à ces glaces où se voyant sans l’avoir voulu il se regarde, ne se reconnaît pas et cependant ne peut ignorer que le jeune homme qu’il contemple a nom Pierre Dumont. Et il se pince, mais de se pincer n’a le mal qu’il eût été naturel qu’il eût. S’il n’y avait que les glaces. Il y a aussi les escaliers en spirale. On ne sait pas où l’on va. On monte, on descend, on a peur, on prend espoir et, tout à coup, on se trouve nez à nez avec une créature indéterminée qu’on ne pourrait dire humaine bien qu’elle ait une tête, un tronc, deux bras, deux mains, deux jambes, deux pieds. Et il faut monter à reculons parce que le monstre l’exige. Mais trois pas n’ont pas été faits que certain petit frisson, mieux accroché à la colonne vertébrale que le lierre à son chêne, avertit de la présence d’une créature aussi réelle et non moins indéterminée que la première et qui, de même que cette première contraignait à monter et prétend n’y point renoncer, va, elle, obliger à descendre. Prisonnier de deux forces égales