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chaussures sans courage de fin d’après-midi. Et les becs de gaz qui se moquent. Pierre connaît les petites étoiles qu’ils jettent à terre, quand les pavés, pour les yeux lourds de remords, ne se fardent plus d’aucune tentation rédemptrice. Muet et figé dans un fauteuil, une pénombre autour de lui, comme il ne sait quelle étouffante ouate, il n’a même plus envie de fuir cette maison, ce regard.

Il ne pourrait supporter, derrière les vitres, les suspensions, dont les globes, dans les salles à manger, sur le bonheur des familles, font une accolade verte. Il ricane. Salle à manger, suspension, bonheur des familles et accolade verte. Il ne manque plus que la soupière et le joli bouquet que voilà. Non, décidément, il n’offrira point à Diane de telles fleurs, plus innocentes pourtant que fleurs des champs.

Taches bleues et roses des entresols sans surprises mais sans périls et où un seul doigt ressuscite au clair de la lune et tous les autres airs qui permettent aux hommes de vivre en sainte naïveté, de se continuer, de tels airs jamais ne couvriront ces chansons sournoises, qui d’abord soufflent doucement, puis deviennent agressives, crient, se ruent, assaillent et mâchent à pleines dents le cerveau. Pierre se dit qu’il est condamné à subir sans rien comprendre un orchestre dont chaque instrument saura bien inventer de nouveaux supplices. Des archets sur ses paupières font