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formule qui le tenait ému aux larmes, près de Diane, lorsqu’il caressait sa nuque, répétant : « Diane, ma Dianette » du ton d’un pécheur qui remercierait le saint apparu à la minute du plus grand remords, si ce saint s’était borné à raconter simplement sa propre vie, en l’émaillant de fautes identiques à celles que commettent les plus humbles et les plus coupables des créatures, à seule fin de spécifier que même les êtres quasi éthérés ont connu les tentations et y ont cédé avant de parvenir au paradis de bonheur et de paix.

« Diane, ma Dianette », répétait-il et une telle ferveur était dans sa voix que la jeune fille espérait que d’une camaraderie lumineuse allait naître cet éblouissement de l’amour dont Pierre lui-même se demandait (et bien qu’il se sentît par exemple incapable de consentir à Diane les sacrifices égaux à ceux qu’il faisait chaque jour à Bruggle) s’il n’était point parvenu au plus haut point, puisqu’il divinisait Diane — alors qu’il n’avait eu besoin de rien de céleste pour exalter son goût et son besoin de Bruggle — puisqu’il se sentait tout prêt d’oublier que cette jeune fille douce et simple, il l’avait connue à Montparnasse dans un atelier, avait dansé avec elle dans des bals de peintres où elle était sans bégueulerie et sans vulgarité, ne se laissant jamais tenter, ni choquer davantage, incapable de se ternir par un geste, un mot, un pas et telle qu’il