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tivement l’écarter), elle accepterait le cœur léger de passer à ses yeux et sans doute aux yeux des autres pour une jeune fille qui en a vu et fait de toutes les couleurs. Avant tout, elle veut que Pierre n’ait jamais à rougir devant elle, et pour ce, non seulement elle accepterait de passer pour coquette, légère, sensuelle et même s’il le fallait possédée, mais encore elle ne cesse de s’affirmer une résolution de longue patience et, se déclarant par exemple qu’elle ne prêtera l’oreille à aucun potin, à l’atelier ou chez des amis, elle essaie d’ignorer l’évidence, d’oublier jusqu’au nom de Bruggle à la démarche trop légère et de réduire toutes les tentations, les scrupules et les hantises dont plusieurs épaisseurs, de teintes variées, encerclent Pierre d’un arc-en-ciel de tristesse.

La transparence du premier baiser de Diane obligea Pierre à saisir toutes les intentions d’une tendresse qui lui était si généreusement vouée et cette candeur à la fois discrète et passionnée lui valut de nouveaux remords dont l’idée même jusqu’alors lui était inconnue. Il se crut enchaîné et, depuis, il s’est maintes fois répété que le plus grand don qu’une femme ou une jeune fille pût faire à un homme était justement ce baiser d’un ange qui par charité imagine les gestes d’une putain.

Un ange qui par charité imagine les gestes d’une putain ? Il s’accusait de romantisme mais n’en répétait pas moins, pour une exaltation quasi-mystique, cette