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sur les épaules du jeune garçon, de sa poitrine où le souffle s’alourdit et s’inquiète des nuages de toutes les tempêtes ; ses yeux, ses narines s’élargissent, son cou a des lassitudes qui doivent amener Pierre à penser qu’elle se laisse aller à la tentation et ses lèvres, qui se sont d’abord doucement tendues pour s’offrir, semblent se gonfler et libres jusqu’à la faute, ses lèvres se collent aux lèvres du jeune homme.

Mais à cette bouche trop grande ouverte, comment ne point s’apercevoir qu’il ne s’agit pas d’un désir, d’une soif, mais de la volonté de donner une impression de désir, de soif. Et à son tour Pierre s’attendrit car il comprend que Diane cherche à lui faire croire que, elle aussi, elle aime la peau, les dents, toute la chair, et qu’elle n’a jamais hésité à en profiter chaque fois, tant qu’elle a pu. Or cette brutalité sensuelle bien combinée mais néanmoins trop visiblement combinée prouve, au contraire de ce qu’attendait Diane, qu’elle n’a pas l’habitude de donner ses lèvres et que, même à Pierre, elle les a données moins par curiosité ou espoir de quelque plaisir que par pure, simple et amicale charité.

Pierre a donc compris qu’elle tenait à lui et que même, afin qu’il ne s’éloignât point (Pierre sait du reste que Diane a une telle foi en lui, en son affection, qu’elle pense que seul un scrupule pourrait défini-