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Pierre muet se répète que son silence ne peut durer davantage. Il laisse tomber un mot, n’importe lequel. Ce mot a un son de fausse monnaie. Il veut essayer une phrase. Voici tout ce que sa franchise lui permet d’inventer : « Je ne veux pas te renvoyer ma petite Diane, mais ta mère doit t’attendre pour le dîner. »

— C’est vrai Pierre, je me sauve.

Tous les deux se lèvent.

Diane interroge : Que fais-tu après dîner ? Avec qui sors-tu ?

En réponse Pierre jette un nom, le même, celui de Bruggle : « Bruggle. »

— Tu le vois donc tous les soirs ?

— Dame, je n’ai pas tant d’amis. Arthur est un des rares qui m’aiment.

— Tu n’en as pas toujours été si persuadé.

— Nous avons pu avoir quelques discussions. Il est nerveux, trop sensible, mais de l’affection qu’il me porte, je réponds tout comme de celle que j’ai pour lui. Et toi ?

Diane ne dit rien. Un doute frise des lèvres qui tentent de sourire et des paupières, à l’abri desquelles les yeux deviennent plus brillants. Pierre pense : « on lui aura dit qu’Arthur et moi… » et il espère des larmes, constate que Diane est jalouse de Bruggle, et se demande : « Cette jalousie est-ce de l’amour ou de l’orgueil blessé ? » Mais de nouveau il a honte.