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Et Pierre ce morveux qui ne se contente point de défendre son père mais qui pousse l’insolence jusqu’à menacer sa mère : « Vous êtes chrétienne… L’enfer… »

L’enfer, allons donc, Mme Dumont-Dufour rit de plus belle. C’est Pierre qui parle de l’enfer, Pierre qui n’entre jamais dans une église, ne fait pas ses Pâques, bien que sa digne mère se soit saignée aux quatre veines pour le mettre chez les pères, Pierre qui parle de l’enfer parce qu’elle manque prétendument de charité, c’est trop drôle. Qu’il commence donc par respecter sa mère comme cette mère elle-même respectait son père le président Dufour. Après, on verra.

Et Mme Dumont-Dufour se grise de ricanements, de mots aigres, elle se grise en dilettante, en artiste, sans perdre un sang-froid qui lui permet d’ordonner sa victoire pour mieux en jouir, elle se grise, mais ne cesse pas une minute d’être maîtresse d’elle-même, tandis que Pierre finit toujours par suivre de dangereuses pensées en méandres qui le conduisent au milieu du marécage, au beau milieu de la nuit, à Ratapoilopolis.

Elle savoure son triomphe, en varie les nuances et goûte devant Pierre les joies d’une inimitié si visiblement incestueuse et telle que ce dernier, qui sent une volonté mauvaise acharnée contre lui, se surprend à murmurer un vers qu’il ne comprenait point du temps où on lui faisait apprendre par cœur, au lycée, du Racine :