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directs, mais alors même qu’il voit pâlir Mme Dumont-Dufour, il se dit que son pouvoir a ses limites dans un mal dont souvent déjà il a senti les menaces et il se rappelle toutes les fois qu’il a dû, pour s’oublier un peu, se forcer au travail, aux longues marches, à l’amour et même à la boisson, à la drogue. Et à peine une contrainte inexorablement imposée avait-elle eu son effet que, rentrée chez lui, Mme Dumont-Dufour, dans une de ces scènes qu’elle excelle à déchaîner à propos de tout ou de rien, avec une grande maestria, parvenait à lui faire sentir qu’il finirait bien par tomber au milieu de cet enfer dont lui-même essaie d’imaginer la démence et les affres pour mettre la confusion dans l’esprit de sa mère et l’émouvoir. Reine dans son salon d’Auteuil, comme Lucrèce de son rocher, Mme Dumont-Dufour qui contemple une mer de folie, là-bas, très loin, se rit des bateaux en péril. Elle a le chauffage central, l’eau chaude et froide sur les cuvettes, une salle de bain, l’électricité, le gaz, l’ascenseur, le monte-charge. Comme elle disait, lorsque le colonel avait fait quelque nouvelle frasque dont ces dames de la garnison ne lui épargnaient point le récit : « Rira bien qui rira le dernier », Mme Dumont-Dufour qui a pleuré plus d’une fois – elle ne s’est jamais rendu compte que c’était de rage – aujourd’hui détend ses lèvres, Mme Dumont-Dufour rit, tandis que le colonel au cabanon fait connaissance avec la camisole de force.